MOSCOU (MPE-Média) – L’ex ministre de l’énergie de Russie M. Igor Yusufov explique à MPE-Média peu après l’annonce de sanctions américaines contre son pays pourquoi il estime que celles-ci sont préjudiciables à l’intérêt économique de l’Europe, mais aussi à ceux des Etats-Unis. Détails.

YUSUFOV

Igor Yusufov, Ceo de Fund Energy, ex Ministre de l'Energie de la Russie (Ph SD FE/Archives MPE-Média)

 Au moment où l’on apprend que le seul ouragan Harvey va coûter plus de 200 milliards de dollars à l’Amérique (1% de son PIB annuel, 1,5% si l'on ajoute le coût d'Irma qui a suivi), l’ex Ministre russe de l’énergie Igor Yusufov alerte les dirigeants sur les risques économiques représentés par les sanctions récemment annoncées par Washington contre la Russie, visant selon lui essentiellement le projet de pipeline North Stream 2, 1 224 kms de double pipeline sous-marin installé entre la Russie et l’Allemagne via la Baltique.

 

Igor Yusufov tient un raisonnement gestionnaire et dialectique simple

« On ne recale pas joyeusement un gros paquet de projets énergétiques russes représentant d’importants bénéfices pour les compagnies américaines susceptibles d’y participer », souligne-t-il, notant au passage que le Ministre des affaires étrangères allemand M. Sigmar Gabriel ne s’y est pas trompé en exprimant son doute sur «un outil inapproprié et non convenable de promotion des intérêts à l’export américains et du secteur de l’énergie domestique ».

« Le fait est qu’il est difficile pour l’Amérique de s’opposer aux livraisons russes de commodités énergie aux marchés européens traditionnels, l’obligeant à persuader l’Europe qu’elle doit préférer le pétrole et le gaz américain à des prix plus élevés pour d’évidentes raisons », ajoute M. Yusufov.

Son analyse coïncide avec l’arrivée par la mer Baltique d’un premier méthanier livrant sa cargaison payée spot au prix fort, issue de gaz liquide non conventionnel à la Lituanie, «le résultat d’un deal visant à réduire sa dépendance à la Russie et à consolider ses relations avec Washington sur fond de tension croissante dans cette région », commente une source proche de l’ex Ministre russe.

M. Yusufov relève aussi la réaction du Président polonais Andrzej Duda proposant en juillet dernier que son pays devienne le hub régional d’apport de gaz naturel liquéfié importé des Etats-Unis, via son terminal de Swinousjscie ouvert en 2015 dans le nord-ouest de lza Pologne, quand bien même les calculs des experts énergie spécialiste du commerce international du gaz confirment que le coût du gaz produit et transporté par mer depuis les Etats-Unis est plus élevé que celui du gaz d’origine russe transporté via un pipeline, ce qui pose un réel problème de fixation des prix et de concurrence loyale, analyse-t-il.

 

Igor Yusufov se dit confiant dans le pragmatisme des européens

« Je demeure confiant dans la réalisation de ce pipeline North Stream 2. L’intérêt des compagnies européennes qui veulent s’y approvisionner en est le premier argument, pour près de 26 millions de foyers à livrer selon nos calculs », ajoute M. Yusufov.

« Laissez-moi vous rappeler que M. Poutine vient juste d’inaugurer au début août dans le District d’Amur au fin fond de l’Est russe, la plus grande usine de transformation du gaz au monde, bâtie sur un territoire qui fait quatre fois Monaco, qui doit aussi exporter son gaz vers l’Asie avec des produits incluant propane, butane, ethane, en partie réalisée à l’aide de technologies chinoises », précise M. Yusufov.

Raison pour laquelle l’ex Ministre dit parier que l’Europe trouvera le moyen de permettre à ses compagnies de respecter leurs obligations vis-à-vis des porteurs du projet North Stream-Stream 2, soutenue par une demande croissante en énergie, plutôt que de prendre le risque d’être vite dépassée par les potentiels technologiques en forte croissance de pays voisins dont la Russie, sur le point de trouver des réponses pour atteindre et exploiter les trésors cachés par des restrictions aux raisons politiques.

« Plus encore : des restrictions contraires au pragmatisme défendu par la nouvelle administration américaine dont l’origine est à voir dans les controverses internes à la politique nord-américaine », conclut M. Yusufov, qui pense que « les faits parlent mieux que les mots ».

 

Christophe Journet

Rédacteur en chef de MPE-Média

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