PARIS (MPE-Média) – L’après Covid-19 soulève chez les recycleurs de matières plastiques la crainte que les plastiques recyclés soient moins compétitifs face aux vierges suite à la baisse des prix du pétrole et des plastiques qui en sont issus. Entretien avec le Président de la Fédération des Entreprises du Recyclage (FEDEREC) Jean-Luc Petithuguenin.

MPE-Média - La poursuite des activités des recycleurs durant le confinement a été exceptionnelle, en particulier pour les recycleurs de plastiques comparé à ceux des métaux, comment cela s’explique-t-il ?

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Jean-Luc Petithuguenin (Ph SD FEDEREC)

Jean-Luc Petithuguenin – Les adhérents FEDEREC Plastiques n’ont fermé quasiment aucune usine, nous avons travaillé partout. Mais nous avons été très impactés par la crise du Covid-19, sauf les usines dépendantes de la collecte sélective, où nous avons reçu 90% du flux habituel. Avec les stocks, nous avons pu fonctionner sans problème. Sur les chutes industrielles, sur les usines qui recyclent du PVC ou du polypropylène, par contre, nous avons été extrêmement affectés. Dans toutes les usines où on régénère des matières, des usines qui travaillent 7 jours sur 7 et 24h/24, par voie de conséquence nous ne pouvions pas arrêter la production. FEDEREC s’est illustrée de façon très positive durant cette période du confinement pour ne pas ajouter de la crise à la crise. Le secteur de l’emballage a continué à 100%. Vous savez qu’une caisse en carton est fabriquée à 90% à partir de fibres recyclées en Europe, et dans ce contexte, il a fallu produire en quantité. Un aspect moral compte : nous sommes des entreprises citoyennes, on ne lâche pas la barre en pleine tempête, nous avons d’ailleurs été félicités par la Ministre de la Transition écologique et solidaire Mme Élisabeth Borne, une fois n’est pas coutume, surtout après les différents de l’an dernier à propos de la consigne avec sa Secrétaire d’État.

 

MPE-Média - Matières plastiques : Quelles sont les plus impactées ? Les moins impactées ?

Jean-Luc Petithuguenin – Les matières les plus impactées, sont celles liées aux besoins du secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) et à son arrêt presque complet pendant ces deux mois du confinement. Les gouttières, fenêtres en PVC, tuyaux en PEHD, et encore plus les producteurs de plastiques à destination de l’automobile, de polypropylène (PP), d’ABS, toute une partie des plastiques ABS venant notamment et en grandes quantités à présent avant la crise du flux des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), un flux qui a énormément ralenti.

 

MPE-Média - La chute des commandes de plastiques recyclés chez les clients finaux aura atteint quel pourcentage fin mai par rapport à l’avant Covid ?

Jean-Luc Petithuguenin – Les trois premiers mois de 2020, nous étions dans un taux de production d’environ 90% des capacités, déjà affectée par la baisse de prix du pétrole fin février-mars et du coup le recours plus important des clients à du plastique vierge et pendant ces deux mois nous sommes passés de 90 à 30% de nos capacités de production, hors plastique alimentaire.

 

MPE-Média - Nous avons affaire à un choc pétrolier inversé, lié à la montée en puissance des pétroles américains et au dumping provoqué par les saoudiens qui préparent l’après pétrole, contrairement aux premiers. Mais les effets peuvent être retors pour le recyclage des plastiques. Quelle stratégie opposer à ce tsunami des marchés globaux des plastiques ?

Jean-Luc Petithuguenin – Sur le plastique issu du recyclage, la proposition de FEDEREC d’un taux d’insertion minimum est la seule solution possible, cela nous semble une évidence. L’avenir du recyclage, celui du plastique ne s’écrira pas sans le recyclage, or le plastique n’est recyclé en moyenne qu’à 15% et ce n’est pas normal. Je dirai simplement qu’il y a une conséquence inattendue du Covid-19, c’est qu’on a remis au cœur du débat la sécurité alimentaire sanitaire, fondamentale dans toutes les sociétés. En Afrique, vous regardez toujours si votre bouteille a été décapsulée ou pas. Le plastique a un atout de légèreté inégalable. Les déchets plastiques des océans, ce que je dénonce totalement, viennent d’ailleurs pour l’essentiel des pays en voie de développement, très peu des pays développés.

 

MPE-Média - Il faut ajouter à ce courant adverse pour les plastiques en général la poursuite du plastique bashing chez les écologistes intégristes, ceux qui sont aussi anti-nucléaires, qui ne voient pas le coût et la pollution des alternatives aux plastiques, tout comme ils ne voient pas le cycle de vie trop lourd de l’éolien et des voitures électriques actuelles. Comment faire passer le message de l’éducation populaire contre les déchets plastiques ?

Jean-Luc Petithuguenin – Plus globalement je vais commencer à vous répondre par le rôle de la presse, qui s’est comportée de façon remarquable pendant le Covid-19, y compris dans sa façon de critiquer le Président des USA Donald Trump prodiguant des conseils dangereux à son peuple. J’ai accueilli pour ma part près de 100 000 enfants des écoles françaises en 2019 dans nos usines, pour qu’ils comprennent l’importance du recyclage, ses enjeux ; j’ai des endroits créés dans nos entreprises avec des salles de cours pour les classes sur ces questions. Les professeurs sont toujours un peu réservés sur les entreprises privées, mais lorsqu’ils trouvent la porte ouverte, ils adhèrent et facilitent la transmission de ces messages essentiels pour le comportement futur des jeunes citoyens.

 

MPE-Média – Voyez-vous autre chose d’important à évoquer dans la période?

Jean-Luc Petithuguenin – Oui, dans le Covid-19 on a mis en avant une catégorie de gens qu’on oubliait, qu’on sous-estimait : Les soignants, les éboueurs, les recycleurs et il y aura un après Covid-19. Je suis confiant dans la suite, il y aura une vraie modification pour les personnels de santé et tous ces métiers au service de l’environnement. Côté finance, je pense que nous avons affaire à des banques plus solides, au service de l’économie. Le rôle des grandes banques et de BPI France a été essentiel pendant cette crise, nous avons eu aussi des politiques qui ont réagi beaucoup plus vite qu’en 2008 lors de la crise financière globale. Chaque fois qu’on se donne la peine d’écouter Emmanuel Macron dans l’intégralité de ce qu’il dit, on est positivement surpris, on l’a encore vu récemment à propos du plan de relance post Covid-19 de l’Europe avec Angela Merkel. Le problème est que souvent les gens ne reçoivent, ne veulent entendre qu’une partie de ses propos. Il y aura un « après Covid-19 » très différent et probablement positif, j’en suis convaincu, même si les impacts en cours pour les plastiques recyclés sont très inquiétants pour les professionnels.

 

Propos recueillis par Christophe JOURNET

Rédacteur en chef de MPE-Média

 

Le communiqué de la division FEDEREC Plastiques :

« L’industrie du recyclage du plastique en péril économique »

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(Ph Archives MPE-Média)

PARIS (MPE-Média) – Les industriels du recyclage plastique, adhérents de FEDEREC, se sont organisés pour assurer leurs prestations en respectant les mesures de sécurité pour leur personnel et ainsi sécuriser le service apporté à leurs clients. Ils sont cependant soumis en ce moment à une double peine : effondrement des commandes et chute des cours des matières plastiques issues du pétrole, qui rendent les matières issues du recyclage moins attractives. Verbatim du communiqué de FEDEREC.

« Cette situation exceptionnelle, qui semble devoir s’inscrire dans la durée, fait peser un risque sur l’avenir des activités des industriels du recyclage plastique pourtant indispensables. Ils appellent à un renforcement des mesures soutenant l’utilisation des plastiques issus du recyclage.

À l’heure où la mondialisation montre ses limites, les industriels du recyclage plastique prouvent chaque jour que l’on peut fournir localement les matières premières indispensables à la production.

En effet, la grande majorité de ces acteurs ont répondu à l’appel du gouvernement en incitant les activités essentielles à se poursuivre. Les industriels membres de FEDEREC se sont organisés pour continuer à assurer et maintenir leurs prestations de recyclage dans le strict respect des règles sanitaires indispensables à la protection de leurs personnels. Ainsi, à l’heure actuelle, 80% de ces activités tournent déjà à volume normal.

 

"Emmanuel Macron appelle ainsi à un redémarrage industriel"

Le Président de la République, dans son discours du 13 avril 2020, a appellé à un redémarrage de l’industrie « bas carbone ». Emmanuel Macron appelle ainsi à un redémarrage industriel et économique qui ne se fasse pas au détriment de l’économie circulaire. Utiliser du plastique recyclé est moins gourmand en énergie et entraîne moins d’émission de CO2 que de produire du plastique d’origine fossile. L’avantage écologique de ces choix industriels ne fait pas débat. Répondant parfaitement aux critères d’une industrie vertueuse, l’industrie du recyclage des plastiques est actuellement soumise à une double crise qui met en péril sa pérennité.

D’un côté, l’arrêt de l’industrie en aval - consommatrice de plastique recyclé - a fait dévisser le carnet de commande de matières premières issues du recyclage, notamment dans des applications pour le secteur du bâtiment, de l’emballage non-alimentaire ou de l’automobile ; trois marchés aujourd’hui en berne.

D’un autre côté, la chute du prix du baril de brut a entraîné mécaniquement la baisse du prix des résines issues du pétrole. Cette donnée économique a d’ores et déjà entraîné la baisse des consommations en matières recyclées et pourrait inciter les industriels encore en activité et ceux en phase de reprise à remettre en cause leur engagement volontaire d’incorporation de résines issues du recyclage au profit de résines fossiles devenues moins chères.

La perspective d’un cours du pétrole durablement bas (pour plusieurs années selon les analystes) accentue le risque de voir les commandes de matières plastiques issues du recyclage se stabiliser à un niveau et à un prix incompatible avec le maintien de ces activités.

Seul gisement épargné : le PET issu des collectes sélectives

Dans ce contexte, les conditions de reprise des matières aux Collectivités Territoriales devront être adaptées. Le seul gisement relativement épargné est delui du PET issu des collectes sélectives. Celui-ci est, en effet, recyclé pour refaire de la bouteille pour l’industrie alimentaire ou pharmaceutique. La consommation de PET recyclé est notamment soutenue par l’obligation d’en incorporer 25% dans les emballages pour boissons à compter de 2025.

Maintenir et déployer les filières de recyclage, développer les applications en boucles fermées sont des mesures indispensables (impact positif pour l’environnement, approvisionnements stratégiques). Les membres de FEDEREC Plastiques appellent donc le gouvernement à prendre des mesures incitatives fortes et rapides pour favoriser ou imposer la consommation de matières plastiques issues du recyclage, en substitution des résines fossiles.

Dans la continuité des dispositions légales créées ou renforcées par la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), ces mesures incitatives pourraient prendre la forme :

 

  • De bonus-malus, fixés à des niveaux réellement incitatifs dans le cadre des régimes de Responsabilité Élargie des Producteurs, notamment la REP Emballages ménagers (Citeo) mais également les futures REP BTP et DEIC.
  • D’obligations d’incorporation de matières plastiques issues du recyclage dans les produits finis, sur le modèle de l’obligation instaurée pour le PET recyclé dans les emballages pour boisson. Par exemple, FEDEREC Plastiques est favorable à l’instauration immédiate d’une obligation d’incorporation de 50% de PEHD recyclé dans toutes les applications du secteur du bâtiment, telles que les tubes et canalisations ; ou encore une obligation d’incorporation de PP recyclé à hauteur de 15% dans les emballages industriels non-alimentaires et pots horticoles. Ces obligations d’incorporation s’entendent à l’exclusion des cas dans lesquels les normes applicables interdisent l’utilisation de matières recyclées, normes dont la réévaluation doit être rapidement engagée.

 

À PROPOS DE FEDEREC – FEDEREC est le syndicat professionnel des entreprises du recyclage. Cette industrie représente : 1 000 entreprises du recyclage, 9,04 Mrd€ d’euros de CA ; 568 M€ d’investissements, 28 810 emplois directs et non délocalisables, dont 85% de CDI, 107 Mt de matières collectées, 21 Mt d’émissions de Co2 évité (*Source : Observatoire statistique de FEDEREC).

 

Voir aussi sur:

https://federec.com

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Mis à jour (Vendredi, 05 Juin 2020 15:33)