PARIS (MPE-Média) – Ce jeudi 25 mars 2021 les sénateurs débattaient avec le ministre de l’économie Bruno Le Maire sur le thème : « Véolia-Suez : quel rôle doit jouer l’État stratège pour protéger notre patrimoine industriel ? », dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER). Un débat ouvert même si très feutré entre le ministre et les sénateurs.

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Le sénateur Patrick Kanner ouvant le débat(Capture d’écran MPE-Média)

 

Ouverte par le sénateur Patrick Kanner (SER), notant un déficit de réponse du gouvernement et de l’État actionnaire d’Engie, auquel a succédé au micro le sénateur Hervé Gillé (SER) reprenant l’idée d’un manque de réponse de l’État. Idée refusée par Bruno Le Maire à chaque intervention dans ce sens.

Bruno Le Maire a réagi en déclarant refuser « la guerre de tous contre tous qui ne fera que des perdants » et rappelant qu’il avait demandé aux représentants de l’État au sein du CA d’Engie de voter contre la cession des parts d’Engie dans Suez à Véolia.

M. Le Maire a noté que l’État s’est trouvé déchiré entre deux points de vue contraires, l’amenant en tant qu’actionnaire minoritaire d’Engie à se retirer du débat tout en demandant qu’une relation amicale prévale sur une OPA hostile déjà engagée sur Suez par le PDG de Véolia.

 

Garantir l’attractivité de la France

« La première fonction de l’État est de garantir l’attractivité de la France pour les investisseurs », explique Bruno Le Maire. La deuxième est selon lui de continuer à privilégier l’investissement, à redéfinir de nouvelles chaînes de valeur comme le véhicule électrique et l’hydrogène. La troisième est de soutenir le rôle des services publics en soutenant la SNCF, en garantissant le devenir d’EDF, en privilégiant les investissements de développements dans les territoires avec le plan France Relance, en empêchant les acquisitions de savoir-faire développé par des ETI françaises par des investisseurs étrangers.

Revenant sur le sujet Véolia/Suez, la sénatrice Florence Blatrix-Contat a résumé le sentiment qui prévaut parmi les personnels de Suez d’être abandonnés par l’État.

Bruno Le Maire lui a répondu qu’il y a la place pour deux grands groupes en rééditant son souhait que les deux entités recherchent « la voie de l’accord en refusant la voie du conflit ».

Prenant la parole la Présidente de la Commission des affaires économiques du Sénat Sophie Primas estime que « l’État n’a pas su jouer son rôle dans cette affaire » (..) En amputant Suez de ses activités à l’international comme le veut la dernière offre de Véolia, rien de bon ne peut en sortir, estime-t-elle, notant que tout cela est contraire à ce que demande la transition écologique en cours.

En réponse à Sophie Primas, Bruno Le Maire a dit estimer avoir continué à jouer son rôle de médiateur entre les deux parties y compris ces dernières semaines, sans faire partie des négociations, espérant que les deux entreprises comprendront enfin que leur intérêt est de trouver une solution amiable.

 

Une fusion contraire à l’intérêt des collectivités

Citant l’exemple d’Arcelor cédé à Lakshmi Mittal, le sénateur Dany Wattebled a déclaré dans la foulée qu’une fusion des deux groupes serait contraire à l’intérêt des collectivités clientes et demandé au ministre s’il en était conscient.

Évoquant le cas de l’aciérie d’ASCOVAL à qui le gouvernement vient d’allouer 20M€ de soutien pour faire face à ses difficultés récentes, le cas des Chantiers de l’Atlantique nationalisés par le gouvernement, celui de Carrefour récemment en difficulté, Bruno Le Maire a déclaré que le gouvernement s’emploie toujours à créer de nouvelles chaînes de valeur.

À la sénatrice Sophie Taillé-Polian notant que la Caisse des dépôts et consignations était actionnaire de Véolia et pouvait intervenir dans ce cadre, Bruno Le Maire a répondu qu’elle ne détenait que 6% du capital de Véolia et que « personne n’a intérêt à voir se développer un conflit entre deux entreprises du même secteur ».

Rappelant les inquiétudes des collectivités clientes des deux groupes, le sénateur Julien Bargeton est revenu sur les enjeux pour l’accès à l’eau et à la propreté de ce dossier et sur les interventions des groupes Meridiam et Ardian de part et d’autre des deux acteurs.

 

Protéger n’est pas un gros mot

Bruno Le Maire lui a répondu en disant son attachement à la concurrence et à la recherche d’un accord. La sénatrice des Hautes-Pyrénées Maryse Carrère a distingué les cas de la privatisation arrêtée par le Covid d’Aéroports de Paris et reposé la question de ce qui est stratégique ou ne l’est pas pour l’État, « la fusion Véolia/Suez présentant ou pas un risque en la matière ».

« Le stratégique c’est aussi ce qui préserve notre art de vivre, notre approvisionnement (…) protéger n’est pas un gros mot » lui a répondu Bruno Le Maire.

Plus mordant le sénateur Fabien Gay a demandé « comment le cas Véolia/Suez a pu voir l’État a pu laisser faire (…) des choses contraires à l’intérêt général, celui des usagers de l’eau et de l’environnement ». En réponse à quoi le ministre a cité les cas d’EDF, du nucléaire qu’il dit défendre. Pour le centriste Jean-Pierre Moga, qui se dit attaché à l’intérêt des collectivités dans cette affaire, quid d’un éventuel veto européen à cette fusion ?

Bruno Le Maire dit en avoir parlé avec la Commissaire européenne en charge de la concurrence, qui suit le dossier et note que la question plus large est celle d’un « cadre plus mondial sur le plan des marchés ».

Proposant une sortie de crise par le biais d’un cahier des charges qui soit demandé aux salariés des deux groupes, le sénateur Rachid Temal a demandé au ministre s’il était prêt à soutenir cette démarche. Bruno Le Maire lui a répondu que la demande de l’État était proche de celle-ci

 

La bataille de l’eau

Pour le sénateur breton Alain Cadec, une solution négociée préservant l’existence de deux champions concurrents serait préférable à ce qui se profile sur fond de « en même temps », d’indécision et de refus d’intervenir. Même son de cloche pour le sénateur Jean-Paul Prince, rappelant l’importance de la concurrence pour les prix pratiqués auprès des collectivités. Se disant en réponse à la sénatrice Viviane Artigalas « empêché par le droit des affaires d’entrer plus en détail dans ces questions », Bruno Le Maire a réaffirmé son souhait de garantir la concurrence et la recherche d’un accord amiable entre les deux groupes et de transmettre à nouveau ce vœu aux PDG des deux groupes. Idem dans ses réponses à d’autres sénateurs reprenant des remarques proches de celles déjà exprimées : « Souvent présentée comme la bataille de l’eau », note Edouard Courtial, cette fusion passant chez Véolia par le fait de confier les activités eau de Suez en France à Meridiam « qui n’est pas un spécialiste de l’eau » constitue bien un risque pour l’usager. Raison pour laquelle le sénateur Jean-Baptiste Blanc demande au ministre « de faire un nouvel effort dans ce dossier ».

En conclusion, le sénateur (SER) Franck Montaugé a réédité le fait que l’affaire Véolia/Suez « ne cesse pas d’interroger », demandant que les enjeux à prendre en compte soir ceux de l’emploi, de la compétitivité et de la concurrence, de la souveraineté nationale aussi : « L’affaire VS présente bien ces enjeux », a souligné le sénateur Montaugé, souhaitant un dialogue plus conséquent entre le Parlement et le Gouvernement à propos de l’intérêt national, de la politique actionnariale de l’État pour cette affaire comme pour les autres citées durant ce débat.

 

Christophe Journet

Rédacteur en chef de MPE-Média

 

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