PARIS (MPE-Média) – Le choix des ressources énergétiques à l’approche de la Conférence des parties de Paris (COP21 2015) était le thème des 16e rencontres parlementaires tenues ce mercredi 4 novembre à Paris. Extraits.

Ouvertes par Marc Goua, Député de Maine-et-Loire et Président de la Commission Energie de l’Assemblée nationale, les 16e rencontres parlementaires de l’Energie réunissent en compagnie de parlementaires des professionnels des différents secteurs producteurs et consommateurs concernés.

D’entrée de jeu, M. Goua a posé la question du seuil des 2° de réchauffement climatique et des moyens à mettre en œuvre pour ne pas le dépasser, déclarant que les estimations récentes annoncées par le Président de la COP21 et Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dépassaient ce seuil d’au moins un degré Celsius et soulignant qu’il manquait encore près de 26 milliards d’euros à l’enveloppe de compensation des efforts fournis par les pays émergents pour les aider à réaliser les changements industriels et de fonctionnement domestique indispensables dans ce but.

M. Goua estime à 500 milliards le montant actuel des subventions mondialement attribuées au secteur des énergies fossiles, demandant que ces budgets soient supprimés et/ou reportés sur l’aide au développement des énergies dites renouvelables, nucléaire inclus, qui doit constituer « le socle décarbonné de la transition énergétique ».

Des dirigeants des secteurs des mines, de l’énergie, du développement durable, des parlementaires en charge de groupes d’études français ou européens ou de commissions parlementaires, des cadres d’EDF, ERDF, Total, GrDF, ENGIE, GRTgaz, Direct Energie contribuaient à ces rencontres animées par notre confrère de BFM Laurent Neumann.

 

Les enjeux réels de la mutation climatique et énergétique

Comme souvent en pareille situation, les intervenants semblaient pris entre la volonté d’exposer clairement leurs visions respectives des enjeux réels de cette mutation climatique et énergétique et de défendre l’image de leurs groupes, sociétés, institutions, tout en tentant de donner quelques informations chiffrées et statistiques la plupart du temps non sourcées.

L’importance des progrès en matière d’efficacité énergétique a été affirmée par plusieurs des intervenants, notamment Eric Maucort, Directeur adjoint pour le développement durable chez EDF, tout comme ceux de la mobilité électrique pour aboutir à « un monde de consommateurs acteurs » superposé à « un monde de producteurs exploitant des ouvrages importants (…) hydrauliques et nucléaires tout en développant les renouvelables ». Comme le soulignait plus loin Claude Haegi, Président de la Fondation européenne pour le développement durable des régions (FEDRE), parler d’un socle nucléaire de la transition sans traiter le problème des déchets nucléaires est une belle contradiction.

 

De l’énergie aux … migrants

Pour intéressantes qu’elles soient, ces 16e rencontres sur l’énergie laissent le sentiment d’un agrégat ou d’un ciment de questions souvent laissées sans réponse – notamment celles posées par la salle – ou se refusant à des approches plus techniques, plus claires, comme celle de savoir « qui va payer les 100 euros du CO2 et le coût élevé du Mégawatt solaire ».

Député de la Seine-Maritime, Vce-Pdt de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, Christophe Bouillon pense qu’il faut en finir avec les « externalités négatives comme le coût de la santé lié aux émissions » et parle d’un « combat du siècle, qui n’est pas négociable (…) », en opposant la convention cadre voulue par la COP21 à celle sur la lutte contre la désertification. « Nous n’en sommes qu’à 2,7 ou 3 degrés Celsius malgré un développement des efforts du gouvernement et des acteurs économiques. La COP21, c’est aussi un effet levier, une réponse aux engagements européens. Elle fixe des objectifs plus ambitieux que ceux du paquet énergie-climat européen, plus décentralisés aussi à l’image de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, qui repose largement sur les territoires d’énergie et la création de nouveaux emplois », poursuit M. Bouilllon.

Directeur de recherche de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, Christian Brodhag relevait le fait qu’il manque encore des réponses à la question des impacts économiques des règles climatiques pour les pays du nord, estimant qu’il fallait aller plus loin, plus en profondeur dans ces sujets.

La question des migrants a fait irruption dans l’une des tables rondes, sous l’angle de la ressource à trouver pour les accueillir « sans être des gaspilleurs de planète » : Sénateur de Meurthe-et-Moselle, membre du groupe de travail du Sénat sur le climat, Jean-François Husson a déclaré qu’il n’était pas possible de continuer à l’éluder dans cet ensemble de préoccupations, compte tenu de l’importance de sa résolution rapide pour l’Europe et les régions limitrophes.

Un expert énergie d’une ONG française (le GRET) dédiée au développement, Julien Cerqueira, est intervenu en tribune pour faire le lien entre la précarité énergétique, la transition énergétique, les efforts des entreprises en matière d’efficacité énergétique et parler des « solutions concrètes » déjà en œuvre, des problèmes à traiter dans les pays émergents. M. Cerqueira a cité l’exemple de la production en Mauritanie d’une plante transformée en charbon de bois émettant peu de CO2 pour des usages quotidiens courants.

 

Transition énergétique ET croissance

Qu’elle soit verte ou incolore, la croissance réelle est-elle ou non incluse dans les perspectives ouvertes par la loi sur la transition énergétique ? C’était aussi l’une des questions posées durant l’une des tables rondes de ces rencontres : « j’ai voté contre cette loi parce que je n’y voit pas les garanties des projets qu’elle présente. Mais je vois dans les logiques de COP21 une logique intelligente, du bas vers le haut, de mesure et d’instruments de mesure des émissions, de même qu’il pourrait y avoir des mesures de la réalité de la croissance verte », a déclaré Hervé Mariton, Député (opposition) de la Drôme et membre de la Commission énergie de l’Assemblée nationale avec Marc Goua.

« La gauche s’est fait piéger par la croissance, il nous faut qualifier la croissance, non celle de la financiarisation, celle qui nous permet de trouver notre place sur la planète et de la création d’emploi », souligne la Députée européenne Pervenche Berès, habituée de ces rencontres parlementaires, qui appelle à la création d’un bon outil de mesure de la croissance tout court.

Abordant la question du cadre règlementaire de la croissance énergétique, le Directeur général délégué de Direct Energie (opérateur français annonçant 1,5 million de clients) Fabien Choné estime que « les orientations sont encore très mal maîtrisées. Quand on veut lancer une transition, il faut la maîtriser ». Et de citer les cas des subventions aux panneaux solaires, de la fabrication à l’étranger de radiateurs pour renouveler le parc en France. M. Choné se demande « si l’on est capable de prendre en compte les coûts de développement des renouvelables (…), ceux du lancement des nouveaux compteurs Linky, du développement du big data et de la sécurisation des données (…). Des subventions cachées aux électro-intensifs ont été induites dans les tarifs d’EDF qui vend à perte à ces clients », ajoute M. Choné.

 

Les renouvelables sont aussi subventionnées

Directeur des affaires publiques d’ERDF, Pierre Guelman n’a pas rebondi sur cette déclaration de son concurrent direct, mais note que « les énergies renouvelables aussi sont subventionnées », prenant l’exemple des bornes de recharge pour la mobilité électrique dont l’installation dans le territoire est aussi subventionnée. Et précisant que 3 millions de compteurs Linky seront installés d’ici la fin de l’année dans le cadre d’un programme plus large de 35 millions de compteurs sur plusieurs années.

Président du groupe d’études sur le Développement de la méthanisation à l’Assemblée nationale, le Député Jean Grellier (Deux-Sèvres) a résumé l’état d’avancement de ce groupe s’intéressant aux effluents d’élevage, aux coproduits dérivés, au traitement énergétique des ordures ménagères, à la cogénération, au développement des outils locaux de production d’énergie issue de ces pratiques de méthanisation soutenues par la puissance publique, précise-t-il. « Il faut parler aussi des prix de reprise, les proposer à Bruxelles, voir la maîtrise des procédures préalables à l’autorisation de construire et d’exploiter ces renouvelables, faire évoluer y compris dans le code de l’urbanisme ces démarches qui durent encore souvent plus de deux ans ».

Les interventions suivantes étaient à l’avenant, sans pour autant combler le vacuum entre les objectifs écologiques et la réalité des données de profitabilité sans lesquelles la « durabilité » n’est qu’une pieuse illusion, semblent dire quelques acteurs.

 

C. Journet

PROMO_2015 - copie

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